« Un de ces monstres lui coupa la partie virginale et s’en fit des moustaches »
Voici comment Louis-Sébastien Mercier,dans son « Paris pendant la Révolution (1789-1798) ou le Nouveau Paris », décrit le supplice, postérieur à la mort, de la princesse de Lamballe.Le même carnage, les mêmes atrocités se répétaient en même temps dans les prisons et dans tous les endroits où gémissaient les victimes du pouvoir arbitraire : partout on exerçait des cruautés, toujours accompagnées de circonstances plus ou moins douloureusement remarquables.
Au séminaire de Saint-Firmin, les prêtres qu’on y retenait en chartre privée attendaient paisiblement, comme les autres prêtres détenus aux Carmes, que la municipalité de Paris leur indiquât le jour de leur départ et leur délivrât des passe-ports pour sortir de France, selon les termes d’un décret tout récent, qui leur faisait cette injonction, en leur accordant trois livres par jour pendant leur voyage.
Il est incontestable qu’il n’a tenu qu’aux autorités du jour que ce décret eût son exécution avant les massacres ; mais les prêtres détenus étaient désignés et réservés pour ce jour : ils furent mutilés et déchirés par lambeaux. A Saint-Firmin ils trouvèrent plaisant d’en précipiter quelques-uns du dernier étage sur le pavé.
A l’hôpital général de la Salpêtrière, ces monstres ont égorgé treize femmes, après en avoir violé plusieurs.
A Bicêtre, le concierge, voyant arriver ce rainas d’assassins, voulut se mettre en devoir de les bien recevoir : il avait braqué deux pièces de canon, et dans l’instant où il allait y mettre le feu, il reçut un coup mortel ; les assassins vainqueurs ne laissèrent la vie à aucun des prisonniers.
A la prison du Châtelet, même carnage, même férocité : rien n’échappait à la rage de ces cannibales; tout ce qui était prisonnier leur parut digne du même traitement.
A la Force, ils y restèrent pendant cinq jours. Madame la ci-devant princesse de Lamballe y était détenue: son sincère attachement à l’épouse de Louis XVI était tout son crime aux yeux de la multitude; au milieu de nos agitations elle n’avait joué aucun rôle; rien ne pouvait la rendre suspecte aux yeux du peuple, dont elle n’était connue que par des actes multipliés de bienfaisance. Les écrivains les plus féroces, les déclamateurs les plus fougueux ne l’avaient jamais signalée dans leurs feuilles.
Le 3 septembre, on l’appelle au greffe de la Force ; elle comparaît devant le sanglant tribunal, composé de quelques particuliers. A l’aspect effrayant des bourreaux couverts de sang, il fallait un courage surnaturel pour ne pas succomber.
Plusieurs voix s’élèvent du milieu des spectateurs, et demandent grâce pour madame de Lamballe. Un instant indécis, les assassins s’arrêtent; mais bientôt après elle est frappée de plusieurs coups : elle tombe baignée dans son sang, et expire.
Aussitôt on lui coupe la tête et les mamelles ; son corps est ouvert; on lui arrache le cœur; sa tête est ensuite portée au bout d’une pique et promenée dans Paris ; à quelque distance on traînait son corps.
Les tigres qui venaient de la déchirer ainsi se sont donné le plaisir barbare d’aller au Temple montrer sa tête et son cœur à Louis XVI et à sa famille.
Tout ce que la férocité peut produire de plus horrible et de plus froidement cruel fut exercé sur madame de Lamballe.
Il est un fait que la pudeur laisse à peine d’expressions pour le décrire ; mais je dois dire la vérité tout entière et ne me permettre aucune omission. Lorsque madame de Lamballe fut mutilée de cent manières différentes, lorsque les assassins se furent partagé les morceaux sanglants de son corps, l’un de ces monstres lui coupa la partie virginale et s’en fit des moustaches, en présence des spectateurs saisis d’horreur et d’épouvante.
« Des outrages que la plume se refuse à décrire » : Un autre témoignage
Duval, dans ses Souvenirs de la Terreur, 1842, raconte en ces termes la scène principale du drame :
Il n’est pas possible de parler des massacres de la Force et d’oublier la plus intéressante de toutes les victimes qui périrent dans cette prison. Je serai bref cependant, attendu qu’à peu près toutes les circonstances de son horrible assassinat sont connues. Je dirai seulement quelques-unes de celles qui le sont moins. Je dirai, par exemple, qu’au moment où, soutenue par Truchon, dit le Grand Nicolas, et un autre scélérat de sa trempe, on la forçait de passer sur le monceau de cadavres amoncelés à la porte, et qu’elle s’évanouissait à chaque instant, Charlat, garçon perruquier de la rue Saint-Paul, imagine de lui enlever son bonnet avec le bout d’une pique; mais comme le misérable était ivre, il l’atteint au-dessus de l’œil et le sang jaillit aussitôt.Grison l’étend à ses pieds d’un coup de bûche. On la frappe ensuite à coups de sabre, vingt piques sont enfoncées dans son corps, et quand elle n’est plus qu’un cadavre, Charlat lui coupe la tête, et son corps mutilé est livré à la populace, qui lui fait subir des outrages que la plume se refuse à décrire.
Sa tête est portée par Charlat, Grison, Mamin, le tisserand Radi, chez un marchand de vin du cul-de-sac des Prêtres; ils la déposent sur le comptoir et exigent que le marchand de vin boive avec eux à sa santé! puis on met cette tête au bout d’une pique. Je ne suivrai pas l’horrible procession à l’abbaye Saint-Antoine, au Temple, au Palais-Royal, à l’hôtel de Toulouse, et, je resterai encore quelque temps à la Force,…
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