Dans le Paris des années folles, un chirurgien greffait des testicules de singe sur des hommes âgés pour leur redonner vigueur et vitalité. A l’heure actuelle, on ne sait toujours pas pourquoi aucun des patients n’a jamais rejeté la greffe, ni pourquoi ils se sentaient presque tous revigorés après l’opération. On suppose un effet placebo …
Si le docteur Serge Voronoff connu un succès planétaire en promettant une nouvelle jeunesse aux hommes âgés (et une amélioration possible de leurs performances sexuelles), il fût très vite raillé par le corps médical et sombra dans l’oubli. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que plusieurs centaines d’hommes se sont fait greffer des lamelles de testicules de singe sur leurs propres testicules … Et que dans un premier temps, ils ne s’en plaignirent pas, témoignant même de certains résultats encourageants et appuyés par des photos comparatives de type « avant/après » qui eurent leur petit succès.
Né en 1866 en Russie, Voronoff fuit les premiers pogroms et l’antismétisme en partant étudier la médecine à Paris (après un séjour dans une prison russe pour « possession et lecture de matériel illégal »). Il finit son cursus en cinq ans. Un des premiers projets du jeune et ambitieux diplômé sera d’ouvrir une maison de santé et un dispensaire gratuit pour les nécessiteux. A 29 ans, on le naturalise Français.
Observation des eunuques égyptiens
C’est en Egypte, où il part officier en tant que chirurgien auprès du Khédive en 1896, que le médecin observe et compare la physionomie des eunuques. Le jeune docteur établit des liens entre l’apparence physique et les organe génitaux. Il reste en Egypte pendant 14 ans et rentre en France après son divorce avec son épouse Margueritte Barbe, fille de François Paul Barbe, promoteur de la dynamite en France.
Dans les années 1910, il continue en France ses travaux sur les testicules, et se passionne pour les greffes en tout genre. dont il devient un spécialiste réputé, réussissant des exploits pour l’époque.
Plusieurs centaines de greffes de testicules de singe sur des humains
Le chirurgien, dont la carrière et les travaux lui ont valu une excellente renommée, expérimente les greffes de testicules d’un animal à l’autre. Ce n’est qu’en 1920 qu’il réalise la première greffe de testicules de singe sur un humain. Une opération qui consiste à introduire dans le scrotum d’un homme des lamelles de testicules de singe, dans le but de redonner de la vigueur physique et mentale au receveur, un homme âgé et « fatigué ».
Voronoff opère son propre frère …
L’opération coûte très cher … mais attire de nombreux candidats. Le docteur Voronoff opère lui-même 43 patients, dont son propre frère, et présente ses résultats sous forme de photos « avant / après » qui rencontreront un grand succès. En tout, on estime à plusieurs centaines, peut-être 1.000, les personnes qui se sont fait greffer des testicules de singe dans les années 1920 et 1930.
Sur cette photo, et d’autres, le patient semble avoir en effet rajeuni, ou en tous cas se porter mieux …
Cet extrait du Journal de médecine et de chirurgie pratiques de mars 1923 indique que dès le début des travaux du Dr Veronoff sur les greffes de testicules de singe sur des hommes, le corps médical émettait des réserves et se montrait prudent.
Opération de greffe testiculaire du docteur Voronoff pratiquées sur des moutons en 1924
Georges Behr, d'un hospice en Algérie, avant et après la greffe testiculaire du docteur Voronoff. Prises en 1924 et 1925, un an sépare ces deux photos.
La greffe testiculaire Voronoff
Le singe et l’homme sont opérés en même temps dans la même salle d’opération. Le testicule du chimpanzé est découpé en 6 lamelles très fines. Notons qu’un même testicule de singe peut servir pour plusieurs patients. En greffant des tranches fines, on espère que celles-ci fusionneront avec le testicule du receveur.
Augmentation du désir sexuel
Serge Voronoff constate plusieurs effets positifs sur les patients qu’il opère : augmentation du désir sexuel, meilleure mémoire, capacité de travailler plus longtemps, augmentation de l’espérance de vie. Le médecin sûr de lui pense également pouvoir soigner certaines pathologies psychiatriques comme la schizophrénie.
Prenons l’exemple d’un retraité anglais de l’armée des Indes, sir Arthur Evelyn Liardet, 74 ans, qui a été greffé le 2 février 1921. Huit mois après l’opération, le docteur Voronoff écrit : « M. E.L. avait perdu la moitié de son embonpoint, retrouvé un aspect jovial […] et sa calvitie s’était couverte d’un épais duvet blanc. » Deux ans et demi plus tard : « Son état général s’est encore amélioré. […] Il a eu avec sa femme, de nouveau, les mêmes rapports qu’il y a trente ans. » Sir Arthur Evelyn Liardet est mort le 4 septembre 1923, « à la suite d’une crise de delirium tremens que la greffe n’avait malheureusement pas amendé », notera Voronoff.
Voronoff moqué tombe en disgrâce …
Les années passent, et les testicules greffées se nécrosent. Les patients se plaignent que les effets positifs post-opératoires ont disparus … La gloire a laissé place aux moqueries et aux railleries … En 1939, Voronoff part pour les Etats-Unis, le Brésil et l’Argentine pour une série de conférences, mais la guerre maintient le docteur juif Outre-Atlantique où il restera jusqu’en 1945. Il revient en France et y meurt en 1951, riche (il vivait dans un château) et toujours convaincu du bien fondé de ses théories. Et ce malgré les progrès de la science et de la médecine qui ne lui donnent pas raison.
Escroc ? Non, même pas …
Sachant aujourd’hui que c’est impossible de rajeunir suite à une greffe de testicules … On serait tenté de penser que Serge Voronoff était un charlatan qui abusait de la crédulité de ses patients pour gagner de l’argent, mais il semblerait que non. C’était un médecin et un chirurgien réputé, qui semblait réellement convaincu par les résultats de ses travaux, jusqu’à y abandonner son honneur et sa réputation.
La médecine moderne explique les prétendues réussites de la greffe Voronoff par l’effet « placebo » ou « d’auto-persuasion » qui requinqueraient psychologiquement des hommes dépressifs convaincus de bénéficier d’une nouvelle vigueur entre les jambes …
Des singes élevés à Paris
Pour exercer son art, le chirurgien a besoin de singes en bonne santé. Une singerie est construite à proximité de la propriété de Voronoff à Menton (villa Grimaldi) ; et une seconde à Nogent-sur-Oise pour les urgences parisiennes .
Voronoff a-t-il lui-même bénéficié d’une greffe de testicules ?
En 1929, le docteur part faire un tour du monde. En Autriche il rencontre une jeune fille de 18 ans tandis qu’il en a plus de 60 … Voronoff a-t-il lui aussi bénéficié d’une greffe de testicules afin d’être en mesure de satisfaire sa nouvelle compagne ? On le suppose … Mais on n’a aucune preuve.
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